Je commence par une annonce d’intérêt public: n’utilisez pas d’eau de javel lorsque vous portez un chandail que vous aimez. Et bien sûr, faites ce que je dis et non pas ce que je fais – l’image ci-dessous témoigne bien du fait que je n’ai pas respecté ce principe simple. En voulant nettoyer mon comptoir « rapidement », j’ai rapidement ruiné ce chandail que j’aimais beaucoup . Oui oui, on parle de belles grosses taches bien en vue sur le devant du chandail et d’une petite sur la manche. Des taches nombreuses et dispersées: un vrai cauchemar!


Je l’ai longtemps laissé traîner en me demandant comment je pourrais bien cacher toutes ces taches. Broder par dessus la tache? Pas dans le style du vêtement. Ajouter une poche? Très difficile à agencer avec les lignes du vêtement.
En fait, je l’ai laissé traîner si longtemps que je pensais l’avoir donné. Jusqu’au jour où, motivés par le manque d’activités intéressantes en confinement dû à la COVID-19, Monsieur et moi avons fait le grand ménage du bureau, vidé chaque sac dans chaque armoire. Comme par magie mon chandail est réapparu (malheureusement avec encore toutes ses taches).
Je l’ai tout de suite ajouté à ma liste de projets! Mais il y est resté relativement longtemps (nous l’avons retrouvé en avril…), car il présentait son lot de défis pour la réparation:
- Une coupe très simple avec un col asymétrique laissant peu de place aux fioritures et autres ajouts décoratifs
- Un tissu mat, bleu très très foncé – presque noir, très difficile à agencer
- Des taches nombreuses, parfois placées à des endroits peu pratiques
Après de nombreux débats avec moi-même, j’ai déterminé que la pose d’un ruban d’une couleur se rapprochant de celle du chandail était la solution la plus réaliste pour cacher les taches. Si on y pense bien, on revient au bon vieux concept de la patch, mais cette fois-ci on lui donne une forme un peu inhabituelle.
Je me suis donc mise en quête de ce ruban. J’en ai essayé plusieurs, plusieurs, plusieurs. J’ai finalement opté pour un ruban d’organza. L’organza est semi-transparent: il laisse voir la couleur du tissu, mais est suffisamment opaque pour cacher les taches. Enfin, j’ai réussi à produire un effet ton sur ton acceptable. Le ruban est un peu trop scintillant à mon goût, mais j’ai confiance que cela s’atténuera après quelques cycles à la machine à laver. Je n’étais pas emballée par l’idée d’un ruban en polyester qui est, d’une part, rugueux et bruyant et, d’autre part, énergivore à produire. Mes options étant limitées, j’ai quand même fini par en acheter trois mètres.
Mes grands débats internes étant maintenant résolus, je me suis penchée sur la pose dudit ruban sur le vêtement. On parle ici d’un vêtement relativement sérieux: pas un tailleur, mais pas décontracté non plus. Je ne souhaite pas être la hippie en ville; la finition devait donc être soignée, élégante. Concrètement, cela veut dire:
- Couture bien droite, sans plis ou fronces
- Ruban ni trop tendu ni trop serré
- Extrémités du ruban masquées
- Découture minimum pour ne pas abîmer le tissu
Le mot d’ordre est donc: précision. J’ai passé presque autant de temps à planifier le projet qu’à faire les 12 coutures requises. L’adage le dit: « le calcul vaut le travail ».
1 – Test du look
Avant de toucher à quelque outil que ce soit, il faut vérifier que le résultat nous plaira. J’ai posé le ruban sur le vêtement et vérifié si j’aimais les proportions, la couleur, le style… Il est indispensable d’apporter le vêtement en magasin et recommandé de vérifier à la maison si cela convient toujours.
2 – Stratégie de pose
On pousse les tests un peu plus loin. J’avais plusieurs questions en tête: comment disposer le ruban pour cacher toutes les taches, comment cacher les extrémités du ruban, comment s’assurer que le ruban reste bien droit et bien tendu.
Pour le premier point, j’ai testé plusieurs dispositions de ruban avant d’arriver au choix final: un ruban pour chaque manche (sur l’une pour cacher la tache, sur l’autre pour la symétrie) et deux rubans parallèles sur le corps du vêtement (ai-je mentionné que les taches étaient nombreuses?).
Pour le deuxième point, j’ai fait un petit test en vérifiant si les épaisseurs multiples étaient visibles sur le vêtement. En cousant le ruban en cercle, les valeurs de couture créeraient nécessairement plusieurs épaisseurs. Heureusement, les multiples épaisseurs étaient très peu visibles. Sinon, j’aurais été tentée de découdre les côtés du chandail pour y cacher les extrémités du ruban, ce qui m’aurais forcée à découdre la couture invisible qui tenait l’ourlet en place (je vous ai déjà raconté à quel point ça peut être pénible). Une autre considération était aussi d’avoir des extrémités propres. J’ai décidé de faire une couture française (plus de détails dans les prochaines étapes).
Pour le troisième point, j’ai décidé de faire quelque chose de nouveau: bâtir le ruban à la main. Je ne l’ai pas testé, mais puisque (dans mon imagination) c’est une technique de haute couture je me suis dit que ça fonctionnerait nécessairement (et je vous l’annonce en primeur: ça fonctionne). Couture française, bâti à la main… Ne vous sentez-vous pas l’âme de Coco Chanel?
3 – Mesure et découpe
Mesurez six fois, cousez une fois
Et voilà, presque tout est dit! En mesurant, suivez la forme du vêtement sans tirer ni comprimer le tissu. On peut même tester deux techniques différentes pour plus de sécurité: mesurer le vêtement directement et placer le ruban sur le vêtement puis le mesurer. Si on arrive au même résultat dans les deux cas, c’est qu’on a bien mesuré.
J’espère que vous avez assez de ruban! J’ai bien failli en manquer parce que j’avais mal calculé les valeurs de coutures… Je vous expose donc mon calcul afin qu’il reste gravé dans ma mémoire à jamais. Il nous faut la mesure du vêtement à laquelle on ajoute 3 cm, soit 1,5 cm pour chaque bout du ruban.
Par exemple, la circonférence de ma manche était de 23 cm. J’avais donc besoin d’un ruban de 26 cm pour chaque manche.
4 – Couture française
La couture français (telle qu’on l’appelle au Québec, aussi connue sous le nom de couture anglaise) est en fait bien simple! Pour chaque ruban à poser, on joint les deux extrémités du ruban envers contre envers (et non pas endroit comme endroit comme on le ferait normalement). On pique à 1 cm du bord. On réduit la valeur de couture à 0,5 cm. On rabat endroit contre endroit et on presse. On pique à nouveau, cette fois à 0,5 cm du bord. On rabat envers contre envers et on presse à nouveau.

On devrait normalement obtenir un cercle exactement à la mesure du vêtement.
5 – Bâti à la main
J’ai fixé ensuite temporairement le ruban sur le vêtement pour garantir un positionnement à l’endroit désiré. J’ai bâti le ruban, c’est-à-dire cousus avec de longs points, juste assez serrés pour ne pas que le ruban bouge. J’ai fait les points à la main pour m’assurer d’un contrôle parfait sur la position du ruban et d’un retrait facile du fil.
Combien de points faut-il faire? Assez pour que le ruban soit positionné exactement où vous le souhaitez. C’est le moment de s’assurer que tout est bien aligné, que la couture du ruban est alignée avec l’une des coutures du vêtement, que les valeurs de couture aux extrémités sont bien cachées, que le ruban est bien tendu.

6 – Surpiqûre
Le moment fatidique est arrivé: celui de faire une couture sur chaque côté du ruban. Pour me faciliter la vie, j’ai utilisé un pied à surpiqûre. J’ai décalé l’aiguille légèrement par rapport au centre, en laissant le pied de biche glisser sur le côté du ruban tel qu’illustré ci-dessous. Celui-ci, déjà bâti en place, guide la machine, gardant une distance constante entre le côté du ruban et la piqûre.

On pourrait faire sans et utiliser le pied régulier, mais il faudra se trouver un autre point de repère pour s’assurer de coudre en ligne bien droite (par exemple un morceau de ruban adhésif dont vous voyez un petit coin sur le côté droit de la photo).
Voilà, bien que le ruban soit semi-transparent, il maque bien la décoloration et respecte le look du vêtement.




Un avis sur « Cacher de grosses taches élégamment avec un ruban semi-transparent »